Anciens élèves

Rencontre avec Madeleine Bayon, ancienne élève et sportive de haut niveau, lauréate 2023 du Trophée des français de l’étranger remis par l’AEFE

Mis à jour le
14/04/2023

Madeleine Bayon, jeune ancienne élève des lycées français de Lisbonne et de Bruxelles, ancienne gymnaste accomplie et désormais l’une des rares plongeuses de haut vol au monde, a été mise à l’honneur grâce à la onzième édition des Trophées de l’étranger du Petitjournal.com. Au Quai d’Orsay fin mars 2023, elle a reçu des mains de Jean-Paul Négrel, directeur général adjoint de l’AEFE, le trophée « ancien/ancienne élève des lycées français du monde ». Rencontre…

Au Quai d'Orsay le 28 mars 2023, le trophée "Ancien-ancienne élève des lycée français du monde" a été remis à Madeleine Boyon par Jean-Paul Négrel, directeur général adjoint de l'AEFE.
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Trophées des Français de l'étranger 2023 : l'ancienne élève Madeleine Bayon lauréate du trophée remis par l'AEFE

Au Quai d'Orsay le 28 mars 2023, le trophée "Ancien-ancienne élève des lycée français du monde" a été remis à Madeleine Boyon par Jean-Paul Négrel, directeur général adjoint de l'AEFE.

Au Quai d'Orsay le 28 mars 2023, le trophée "Ancien-ancienne élève des lycée français du monde" a été remis à Madeleine Boyon par Jean-Paul Négrel, directeur général adjoint de l'AEFE.

Née au Portugal où ses parents s’étaient établis, Madeleine a commencé sa scolarité au lycée français Charles-Lepierre de Lisbonne avant de la poursuivre en France, en section sportive scolaire. Elle a été membre de l’équipe de France de gymnastique dès ses 12 ans et a réuni un beau palmarès lors de compétitions nationales et internationales en gymnastique rythmique et gymnastique acrobatique.

De nouveau élève dans le réseau français à l’étranger pour son année de terminale, au lycée français Jean-Monnet de Bruxelles cette fois, Madeleine a décroché le baccalauréat avec mention et a ensuite intégré le King’s College London pour des études supérieures en management international, complétées par une année à l’université de Hong Kong.

Vignette : photographie de Madeleine Boyon effectuant un plongeon de haut vol. La plongeuse semble suspendue en plein ciel.Aujourd’hui active dans un grand groupe du secteur des Web services et établie en Espagne, elle s’est également fixé un nouvel objectif sportif… à sa hauteur ! Elle ambitionne en effet de devenir la première Française sélectionnée dans les compétitions internationales de plongeon de haut vol : il s’agit de plonger à 20 m de hauteur en effectuant des figures élégantes puis en entrant dans l’eau à la verticale, pieds en avant afin de supporter le choc !

Madeleine Boyon : une jeune femme qui a bénéficié d’une éducation à la française et qui a le monde pour horizon… Elle vise l’excellence, sans arrogance, avec détermination, en donnant beaucoup d’elle-même et en accomplissant un travail impressionnant, avec une force mentale hors du commun !

Madeleine, l’AEFE vous souhaite de tout cœur d’atteindre votre objectif… et vous félicite de rejoindre votre papa dans le « club des lauréats ». Le père de Madeleine, Christian Bayon, est un maître luthier qui a été distingué par un « prix du public » lors de l’édition 2015 des Trophées des Français de l’étranger !

Rencontre en images avec Madeline Bayon : vidéo réalisée par France 24, partenaire du petitjournal.com pour les Trophées des Français de l’étranger :

Entretien avec Madeleine Boyon pour aefe.fr :

Pouvez-vous nous parler de votre parcours scolaire au sein du réseau de l’enseignement français à l'étranger ?

Je suis née à Lisbonne au Portugal et j’ai commencé ma scolarité en petite section au lycée français Charles-Lepierre de Lisbonne où je suis restée jusqu’en 6e et, ensuite, je suis partie en France pendant cinq ans pour être en équipe de France et faire mon parcours de gymnaste de haut niveau. Une fois que j’ai terminé ma « carrière » de gymnaste, en fin de première, je suis allée à Bruxelles car ma mère habitait là-bas. Et j’ai fait ma terminale scientifique au lycée français Jean-Monnet de Bruxelles.
Je faisais plein d’activités quand j’étais petite, du sport, de la musique… mais, très franchement, je ne sais plus si c’était dans le cadre scolaire, il faudrait que je demande à mes parents…
J’ai énormément de bons souvenirs de l'école. Dans la cour de récréation, je faisais beaucoup de gymnastique avec mes amies. C’est comme ça que j’ai commencé à aimer ça. Et j’ai un extrêmement bon souvenir de professeurs qui ont toujours été bienveillants envers les élèves et surtout envers les différences. Quand je suis arrivée en France en 6e, ça a été un peu un choc. Je me sentais isolée dans ma différence. Ce n’était pas forcément valorisant d’avoir un parcours différent, alors qu'aux lycées français de Lisbonne et Bruxelles, les professeurs valorisaient les différences.

Et vous, votre différence, c’était que vous étiez sportive de haut niveau ? Que vous étiez bi-nationale ? C’était quoi votre différence ?

Au lycée français de Lisbonne, je pense qu’il y a la moitié des élèves, voire plus, qui sont portugais, et l’autre moitié qui sont français ou expat d'autres nationalités, et qui restent en général deux ou trois ans. Moi, avec un petit groupe d’amis, on était français mais nés au Portugal et on n’était pas là pour une durée déterminée, on était là « à vie » si je puis dire. Moi, si je n’avais pas eu la gymnastique, j’aurais fait toute ma scolarité à Lisbonne. Et donc, je parlais portugais comme un Portugais mais j’étais française.
Et puis, j’étais très active mais les professeurs accueillaient bien cette suractivité que j’avais.
En sport, en EPS, je me souviens d’une année où on avait fait du roller. On faisait pas mal d’activités assez chouettes et j’y trouvais mon compte.

À Lisbonne, vous étiez très ancrée dans la langue et la culture portugaises et en même temps très ouverte à d’autres langues et cultures car il y avait des élèves de beaucoup d‘autres nationalités et vous suiviez un enseignement français... Est-ce que cela a été structurant dans votre parcours qui est très tourné vers l’international ?

Oui, très structurant, ça c’est sûr. Ce que je pense, c’est que, quand on grandit avec deux langues, deux cultures à soi, et je ne sais combien d’autres cultures autour de soi, la limite géographique ou culturelle n’existe pas. Dans ma vie, je n'ai jamais senti de barrière linguistique ou culturelle. Déménager dans un autre pays n'a jamais été un problème. Pour moi, c’était absolument normal, les gens qui voyagent, qui parlent je ne sais combien de langues... Dans ma vie, j’ai habité dans pas mal d’endroits. J’ai fait mes études à Londres, à Hong Kong ; maintenant j’habite en Espagne, etc. Ce n’est pas du tout un frein.
Et deuxièmement, je pense que ça m’a énormément ouvert l’esprit très jeune, parce qu’on apprend qu’il n’y a pas une façon de voir le monde. Par exemple en français, on a un verbe « être ». En portugais, en espagnol, on en a deux. Donc déjà, on a deux façons de voir les choses avec le verbe le plus important de nos langues, c’est quand même dingue. Donc, on grandit en sachant qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise situation ou réponse. En fait, ça dépend. De la culture, du contexte, etc. Et ça pour moi, ça a été extrêmement fort.

Et du point de vue des valeurs, est-ce que l'enseignement français vous a nourri ? A t-il eu un impact pour vous construire, pour mener votre activité qui nécessite beaucoup d’engagement personnel ?

Oui, l’engagement personnel mais aussi la rigueur. L’enseignement français apprend à être extrêmement rigoureux très très jeune. Avoir des bases extrêmement solides sur lesquelles on va pouvoir s’appuyer pour faire un peu ce que l’on veut. On a un très bon enseignement, par exemple des mathématiques, de la langue française, on étudie la philosophie, et je pense que cela nous donne des bases extrêmement fortes pour, après, pouvoir étudier à l’Université.
Dans le sport, cette rigueur est très utile. La polyvalence de l’enseignement français également car, jusque assez tard, on étudie plein de matières, et ça nous incite à être très ouverts, très curieux. On ne peut pas juste se concentrer sur ce qu’on aime ou ce sur quoi on est bon. Moi, en sport, je ne peux pas me permettre de faire seulement les trois figures que j’aime bien. Il faut aussi que je fasse de la musculation, que je travaille sur des choses pas faciles mais qui vont me donner un bagage extrêmement fort, me donner les clés pour pouvoir faire ce que je veux. Et je pense que l’’enseignement français, encore une fois cette polyvalence, apprend à être vraiment très curieux.
Et pour moi aujourd’hui dans ma vie, ce n’est pas une option de ne faire que du sport, même si j’adore ça. C’est très important pour moi d’avoir un travail, où je peux être stimulée intellectuellement et découvrir d’autres choses, car je pense que, depuis que je suis petite, c’est ce qu’on m’a inculqué dans le système français.

Au moment des choix sur les études supérieures, vous êtes allée au King’s College à Londres. Quel élément a été déterminant pour faire ce choix ?

Je voulais retrouver cet environnement très international. Souvent dans les environnements très internationaux, les Français que l’on retrouve, ce sont les Français des lycées français. Au cours de mes études, à Londres, à  Hong Kong, je me suis fait des amis qui venaient de lycées français. On avait un bagage commun et cette ouverture culturelle et cette mentalité un peu sans barrière. J’ai fait le choix de Londres car je voulais améliorer mon anglais parce que c’était une langue qui allait me permettre d’étendre mes expériences à l’étranger.

Quelle est votre journée-type, Madeleine ?

Je me lève vers 6h30 et je vais à la piscine, à vélo, pour m’entraîner de 7h30 à 9h30. À 9h30, soit je rentre chez moi, soit je vais au bureau, les jours où je ne suis pas en télétravail. À dix heures pile, je commence à travailler. Puis à 19h30 ou 20h00, je vais à la salle de sport pour une séance de renforcement musculaire d’une heure et demi. Je rentre chez moi vers 22h ou 22h30. Je dîne et je me couche.

Quel est votre objectif sportif ?

Mon objectif, c’est d’être la première Française à participer aux compétitions de plongeon de haut vol. En anglais, on dit « high diving ». Il y a les championnats du monde cette année et il y a aussi le « Red Bull Cliff diving ». Jusqu’à maintenant, il n’y a jamais eu de Française dans ces circuits. Il y a entre quinze et vingt femmes au monde qui font ces compétitions.

Où se déroulent ces compétitions, en intérieur ou extérieur ?

Il y a trois piscines dans le monde avec des plongeoirs assez hauts, une en Chine, une au Canada et une aux États-Unis. Il peut y avoir aussi des installations provisoires, avec des échafaudages et une plateforme. Les compétitions Red Bull, ça peut être depuis des falaises ou d’installations, dans des lieux spectaculaires un peu partout dans le monde. Il y en a eu à Paris par exemple avec des échafaudages sur la Seine.

Il vous faut un plongeoir de 20 mètres pour vous entraîner ?

Il n’y a pas longtemps, j’ai fait un stage en Floride pour m’entraîner à 20 mètres. À 20 m, c’est assez violent l’entrée dans l’eau, à 80 km/heure. Donc pour le corps, il n’est pas possible de s’entraîner tous les jours à 20 m. C’est trop violent, trop intense.

Vous avez déjà eu des soucis ?

Non, non, non, pas encore. Il y a très peu d’accidents dans le sport de compétition car on s’entraîne tous les jours. Des blessures de temps en temps. Parfois, j’ai de petites blessures liées à ce que je fais à la salle de sport. On s’entraîne beaucoup, en renforcement musculaire et en préparation mentale. La hauteur, 20 m, déjà, ça fait très peur. Tout le monde à peur. La différence, c’est qu’on apprend à contrôler cette peur, à faire notre saut en ayant peur. C’est très mental. On divise notre plongeon en plusieurs parties et il n’y a qu’à 20 m que l’on peut le faire en entier. À 20 m on ne peut pas se permettre de faire n’importe quoi. Un plat et ce serait l’hôpital direct. C’est pour ça que c’est très mental. Il faut pouvoir se faire confiance et savoir que l’on peut reconstituer, dès la première fois en entier à 20 m, le saut que l’on a préparé dans ses différentes phases.

Dans quelle structure sportive êtes-vous ? En équipe nationale ?

En général, dans les fédérations sportives, le plongeon de haut vol est rallié au plongeon « normal » (jusqu’à 10 m). Il y a une équipe de France de plongeon « normal » et un plongeur de haut vol masculin. Moi, je m’entraîne en Espagne. C’est l’entraîneur national espagnol qui m’entraîne, mais sur un créneau à part. Je ne m’entraîne pas avec l’équipe nationale d’Espagne.
 
J’ai commencé le plongeon à 22 ans. En plongeon à 10 m, il y a beaucoup plus de compétitions et d’athlètes. C’est très exigeant. Il faut faire des figures beaucoup plus complexes et la compétition porte sur la perfection. Tandis que dans le plongeon de haut vol, il y a peu de monde. La barrière à l’entrée, ce n’est que du mental. Donc, quelqu’un qui n’aurait pas le niveau en plongeon, comme moi qui ai commencé tard, peut se permettre d’être à un niveau mondial en haut vol car c’est le mental qui va jouer. Pour faire des compétitions de haut niveau en plongeon normal, il faudrait que je m’entraîne sept heures par jour. Le plongeon de haut vol demande un peu moins d’entraînement et il y a très peu de jeunes. Avant, il n’y avait que des femmes de plus de 25 ans. Maintenant, il y en a qui ont 19, 20 ans mais ça reste rare. Il faut une maturité, une stabilité mentale extrêmement forte.

Qu’est-ce qui vous porte ? L’objectif à atteindre ?

Ce qui me porte, c’est l’objectif personnel. Ce n’est pas tant de battre les autres filles. Je ne suis pas compétitrice envers les autres mais envers moi-même. En commençant le plongeon, je me suis rendue compte que je progressais et je me suis demandée ce que pouvait être le meilleur de moi-même en plongeon. Commencer une carrière de plongeuse normale en haut niveau, ce n’était pas possible en fait. En haut vol, l’objectif était atteignable. Et cet objectif, il est accompagné. Il ne sort pas de nulle part. C’est un objectif sportif certes, mais ça va aussi avec un style de vie qui est marqué par beaucoup de voyages, dans beaucoup d’endroits, et ça me motive énormément.

La France va accueillir les Jeux olympiques et paralympiques en 2024 et, dans le réseau de l’enseignement français à l’étranger, on va bientôt rentrer dans une Année du sport. Du sport dans toutes ses dimensions, sportives évidemment, collectives, individuelles, éthiques, sociales… Est-ce que vous avez un message à adresser aux élèves sur ce que le sport apporte ?

Un message, c’est difficile, j’en aurais vingt… Moi, le sport ça m’a donné énormément confiance en moi. Quand j’étais petite, j’étais très timide. Plutôt le type d’enfant un peu dans l’ombre. À travers le sport, j’ai vraiment pu m’exprimer.
Dans le sport, notre background, notre statut social, nos origines, en fait, on s’en fiche. En compétition, on est jugé sur notre performance. C’est tout. Moi, j’ai vraiment pu m’épanouir dans le sport en étant vraiment moi-même et on me jugeait sur ce que je faisais et non pas sur ce que j’étais. Quand j’étais en équipe de France de gymnastique, j’étais en contact avec des personnes très très différentes de celles de mon milieu social, des personnes extrêmement diverses, et ça, ça a renforcé mon goût pour le sport.
Dans le sport, il n’y a ni de limites géographiques, ni culturelles. Juste le talent. Et je pense que le sport, ça permet de faire rêver. J’utilise beaucoup le mot « limite » mais c’est vrai qu’à travers le sport, j’ai senti que je n’avais pas de limites. Si l’on veut faire du haut niveau, il va falloir s’entraîner de façon très assidue mais si l’on veut faire du sport pour passer un bon moment avec des amis, c’est possible aussi. Avec le sport, on peut faire ce que l’on veut. Et en plus, il y a tellement de sports… Je ne crois vraiment pas qu’il faut être « doué ». Il y a tellement de sports différents, qui font appel à des aptitudes différentes… Il y a des sports où il faut être très souple, d’autres où il faut être très dynamique, d’autres encore où c’est l’agilité qui est le plus utile, d’autres où c’est le travail d’équipe qui prime… Chacun peut se retrouver dans au moins un sport et s’épanouir à sa façon.

Qu’est-ce que représente pour vous le trophée des Français de l’étranger ?

Ce qui est drôle, c’est que mon père a remporté le trophée du public il y a huit ans ! Et moi, cette année, celui des anciens élèves des lycées français du monde. Ce trophée met en lumière à la fois mon parcours international qui, pour moi, est extrêmement important, et l’éducation que j'ai reçue. Une éducation qui m’a beaucoup apportée, en termes de construction personnelle, et même en termes d’amitié. Mes amis les plus chers, ce sont les amis du lycée français. Ce sont des amitiés très fortes. Le trophée met en valeur également mon parcours sportif, alors, vraiment, ça compte beaucoup. C’est un trophée qui englobe trois aspects de ma vie qu’il est essentiel pour moi de concilier : l’international, le sport et l'aspect études/travail.